
« Un franciscain chez les nazis », 1933-1945.
Le témoignage véridique de Géréon Goldman, dit Karl.
Au terme d’une vie missionnaire qui l’avait amené sur trois continents : Europe, Afrique et Asie, l’auteur, alors au Japon, en confie le récit à un ami, en 2003, avant de mourir. Traduit et publié d’abord en anglais en 1964, puis en allemand, avec une préface de l’auteur écrite de Tokyo en 1990, réédité après sa mort, en 2004, et enfin traduit en français par des amis en 2008, ce livre de 330 pages, publié aux Editions de l’Emmanuel et Jubilé, constitue un témoignage exceptionnel sur la résistance qui pouvait être opposée au nazisme par des allemands eux-mêmes, dans leur propre pays et même dans leur armée, en Europe et au-delà. Il constitue une sorte d’appel à revisiter cette sombre période hitlérienne, que les plus âgés de notre génération ont pu connaître., à
Géréon Goldman, dit Karl, naquit en 1916, dans une famille de sept garçons, dans une bourgade de la région de Hesse (Allemagne), d’un père vétérinaire et d’une mère fort occupée, donc, et qu’il perdit à douze ans. L’enfant, à la fois turbulent et plein d’imagination et créativité, se révélait aussi très ouvert au spirituel, à la prière et aux autres. Il fut d’abord étudiant à Cologne. Après une expérience dans un mouvement de jeunesse étudiante catholique (ce que nous appelions en France : J.E.C.), mouvement auquel appartenait aussi l’ami qui publie son témoignage, il entra en 1933 au séminaire des Franciscains, rêvant de devenir missionnaire au Japon, une vocation qui ne le quitta plus. Mais en 1934, Hitler s’empare du pouvoir en Allemagne… Karl a 17 ans. Il est alors enrôlé de force dans la « jeunesse hitlérienne ». Après un stage d’officier, à Fribourg, il est invité à faire partie des S.S., mais choisit peu après de les quitter et est alors versé dans l’armée Wehrmacht (prononcer Vermart) où il devient infirmier. Il est même invité à quitter l’Eglise catholique, ce qu’il refuse aussi. Le séminariste, doté d’un physique vigoureux et d’un caractère bien trempé, « décide alors de résister ». Son témoignage est le récit de cette résistance interne à l’ambition d’Hitler, et par des allemands eux-mêmes.
Une tension que l’on a peine à imaginer : ayant choisi d’être franciscain et devenu un temps S.S. [1] malgré lui, dans une armée qui, dès 1940, répandait la terreur en Europe et au-delà ! Certains parmi nous se souviennent encore de cette période troublée qui dura jusqu’au suicide d’Hitler, le 30 avril 1945. Avec précision et retenue, l’auteur, qui s’appuie sur ses propres notes, raconte, dans un style simple et vigoureux, ce que fut cette vie de séminariste puis de religieux et prisonnier allemand, jusqu’à la Libération [2] et bien au-delà, jusqu’en 1954. La photo de couverture le représente grand et fort, visage calme et concentré, déterminé et serein. Sans doute était-il aussi mieux informé que beaucoup d’autres sur la politique d’Hitler, ayant lu les ouvrages qui la révélaient, dont le fameux Mein Kampf. Mais il y avait surtout en lui une foi chrétienne forte, éclairée, agissante, autant que bienveillante et le courage de la vérité. On se borne ici à évoquer les étapes de ce récit.
Ayant choisi de devenir infirmier dans l’armée allemande, après la rupture du pacte germano-russe par Hitler, il se trouva faire partie d’un long convoi en partance pour la Russie, en juin 1941, qui devait prendre Moscou en tenaille… La traversée de la Pologne lui révéla les effets de la conquête du pays par les nazis : pauvreté, maltraitance, juifs persécutés, convois vers des camps… Un choc pour lui. Avec un compagnon, il se met à développer par tracts une campagne contre les nazis à l’intérieur même de l’armée, au risque de s’attirer quelques foudres. Sa stature et sa décision en imposent même à des officiers nazis. Mais voilà que le terrible hiver russe s’abat sur l’armée. Le convoi est immobilisé et commence alors la destruction systématique des véhicules… C’était en février 1943. La campagne de Russie était finie…
Le train changea alors de direction. Il prit la direction du Sud, vers la Méditerranée, et c’est à Rome qu’il aboutit, puis au sud de l’Italie, jusqu’à Messine, et enfin à Patti, sur la côte orientale de la Sicile, grâce à l’intervention de quelques gens simples.
[/vc_column_text][/vc_column][vc_column column_padding= »padding-1-percent » column_padding_position= »all » background_color_opacity= »1″ background_hover_color_opacity= »1″ column_link_target= »_self » column_shadow= »none » column_border_radius= »3px » width= »1/2″ tablet_width_inherit= »default » tablet_text_alignment= »default » phone_text_alignment= »default » column_border_width= »none »][vc_column_text]Il reçut même, à Patti, un message de l’évêque, donnant « aux clercs catholiques de la 29e division de chars allemands, la permission de porter la communion à leurs camarades, en particulier aux blessés ». Le franciscain se trouve devenir le secours des mourants et leur infirmier.
10 juillet 1943. Nouvel épisode : des américains débarquent en Sicile ; c’est l’opération Husky. L’infirmier, dès les premiers signes de ce débarquement, avait réussi à se cacher : « En regardant par la fenêtre de la cave en ruines, écrit-il, je vis pendant deux heures les jambes de centaines d’Américains qui marchaient par l’endroit où j’étais arrivé. J’étais donc isolé derrière la ligne adverse ». A la nuit tombée, il sortit de sa cachette et retrouva ses camarades, qui le croyaient mort et disparu. La guerre est atroce, et des deux côtés…
Laissons les chapitres qui suivent à la découverte du lecteur : la survie au milieu des combats, la prémonition d’une sœur âgée de Fulda qui se réalise, le passage au Mont Cassin ravivant la mémoire de St Benoît, le désir de devenir prêtre, le soutien des évêques rencontrés, la rencontre à Rome avec le Pape Pie XII, qui le garde en mémoire. Et voilà que la Croix-Rouge se fait le facteur pour un échange de lettres -entre le pape et l’infirmier russe, pour lui permettre d’accéder à l’ordination, bien qu’il n’ait pu suivre le cursus ordinaire de la formation. Puis c’est le débarquement des Anglais et Américains, près de Mont Cassin – lieu d’origine des Bénédictins au 8e siècle – l’ordre reçu des allemands de préserver le monastère et sa bibliothèque, le repli dans une cave en terre battue, et enfin l’exfiltration de Karl vers l’Afrique du Nord où il découvre un nouveau monde, et le visage caché des vaincus de la guerre, les « camps » où ils survivent….
Les chapitres XVII-XX décrivent la vie dans l’un de ces camps de prisonniers allemands d’Afrique du Nord, dont nombre de gradés nazis. Le frère Gédéon y est envoyé à la fois comme allemand et comme prêtre. Cela nous vaut quelques conversations musclées entre le chef de camp et lui, concernant la vie du camp et aussi le « national-socialisme » hitlérien. Jusqu’à ces pages où le prisonnier, après avoir entendu sa condamnation à mort, de la bouche de l’officier, et une conversation finale avec lui sur l’après-mort mystérieuse et espérée, voit l’officier s’agenouiller devant lui et lui demander de le confesser : page renversante comme ce livre en contient tant :
« Nous étions seuls. La lueur d’une torche, fixée à un anneau, éclairait faiblement la pièce. Il s’approcha, le sabre sorti de son fourreau. Il allait me tuer, pensai-je, lorsqu’il posa ma lame sur ma gorge. « Alors, maintenant, c’est au ciel que vous allez ? » Je sentais l’acier froid et tranchant sur ma peau, j’osais à peine respirer et dis à voix basse : « Je l’espère très fermement. Alors il posa son sabre sur le côté, détacha son ceinturon et posa son casque par terre. Puis il enserra mes mains dans une poigne de fer et me dit dans un souffle : « Mon Père, je veux me confesser. ». J’étais sans voix. Je pensais qu’il était devenu fou. Il saisit mes bras encore plus fermement, à me faire crier de douleur, et me pressa : « Confessez-moi ! Tout de suite ! … ».
La confession fut longue. Quelques jours plus tard arriva la nouvelle : le Pape avait présenté à l’ambassadeur Maritain une protestation contre un soldat allemand qu’il avait lui-même recommandé à l’ordination. Et dans ces circonstances où les événements tiennent à des instants de rencontre, la lettre avait même failli arriver trop tard, mais elle avait été là.
Les deux derniers chapitres racontent la vie qui fut celle de Karl, dans une autre campagne allemande au Maroc, jusqu’au jour où il fut amené à Casablanca d’où il put enfin s’envoler vers le Japon, le 23 janvier 1954, et commencer une nouvelle vie missionnaire à Tokyo, son rêve d’enfance.
Ce livre est écrit trente-cinq ans après…
Marie-Louise Gondal
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row type= »in_container » full_screen_row_position= »middle » scene_position= »center » text_color= »dark » text_align= »left » overlay_strength= »0.3″ shape_divider_position= »bottom »][vc_column column_padding= »no-extra-padding » column_padding_position= »all » background_color_opacity= »1″ background_hover_color_opacity= »1″ column_link_target= »_self » column_shadow= »none » column_border_radius= »none » width= »1/1″ tablet_width_inherit= »default » tablet_text_alignment= »default » phone_text_alignment= »default » column_border_width= »none » column_border_style= »solid »][vc_column_text][1] S.S. « Schutzstaffel », mot allemand qui signifie : « escadron de protection ». D’où le nom donné à cette armée, au vu de ses pratiques : escadrons… de la mort.[2] Je me souviens d’une interminable colonne de chars allemands, dissimulés sous des feuillages, remontant la vallée de Truyère après une défaite au sud, et traversant mon village cantalien, une journée de juin 1944. Deux de ces soldats s’arrêtèrent pour quêter chez nous quelque nourriture (et je découvre dans le présent ouvrage, qu’ils étaient effectivement mal nourris). Une demi-heure après, la colonne tomba sur un groupe de résistants français (« maquis »), campant dans un bois, et ce fut la bataille sanglante du Pont-Rouge, suivie de plusieurs autres, dans la région de Chaudes-Aigues, jusqu’à Saint- Flour et au-delà, avec enlèvements et déportations.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]
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