Paris : récit de sortie…

Saint Joseph Communauté Paris [vc_row type= »in_container » full_screen_row_position= »middle » equal_height= »yes » full_height= »yes » bg_color= »#ffffff » scene_position= »center » text_color= »dark » text_align= »left » overlay_strength= »0.3″ shape_divider_position= »bottom » shape_type= » »][vc_column boxed= »true » column_padding= »padding-2-percent » column_padding_position= »all » background_color= »#e3e4e5″ background_color_opacity= »1″ background_hover_color_opacity= »1″ font_color= »#000000″ column_link_target= »_self » column_shadow= »none » column_border_radius= »5px » width= »1/1″ tablet_width_inherit= »default » tablet_text_alignment= »default » phone_text_alignment= »default » column_border_width= »none »][vc_column_text]

Marie    –    Ghislaine    –    Jeannette    –    Solange.

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[vc_column_text]Depuis septembre dernier, nous avons fait la connaissance d’une femme, qui se fait appeler Sarah. Elle vit avec un groupe place de la République. Elle a eu l’occasion de venir plusieurs fois. La communauté participent aux repas de la Saint Martin où paroissiens et personnes de la rue mangent ensemble tous les quinze jours.

Un mercredi de février, alors que deux paroissiens vont à la rencontre de personnes de la rue du quartier, ils apprennent son décès dans la semaine qui a précédé. Son compagnon, Serge, et ses amis sont très affectés. Le samedi suivant, Jeannette est responsable du repas de la Saint Martin. Avant de commencer à manger, elle invite les convives à partager leur peine du décès de cette femme, connue de beaucoup. Une femme musulmane prend alors la parole pour dire la prière pour les morts en arabe. Nous avons été très touchées qu’elle ose ce geste alors qu’elle était invitée dans une paroisse. Le lendemain, nous invitons Serge à venir à la messe du dimanche soir dite à l’intention de Sarah. Vivre cette célébration ensemble a été très fort pour nous et tous ceux qui connaissaient Serge, mais aussi pour les paroissiens présents. Notre prière s’ouvrait concrètement aux personnes de la rue qui nous entourent.

Dans les temps qui ont suivi, nous avons continué de visiter Serge. Marie s’est trouvé parfois un peu désemparée à l’écoute de la grande souffrance du deuil vécue dans le contexte sans repos de la rue. Que dire ? Le chant du Serviteur l’a invitée à se tenir auprès de lui dans la foi : « Le Seigneur m’a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l’épuisé une parole de réconfort. »

Dans les temps qui ont suivi, un paroissien s’est soucié auprès des différents organismes de savoir comment serait organisé l’enterrement. Il fallait d’abord que les services sociaux recherchent la famille pour savoir si quelqu’un voulait s’en charger… Finalement, le collectif des morts de la rue, qui fait le lien entre toutes les associations qui interviennent auprès des personnes mortes à la rue, a indiqué qu’une association pouvait s’en charger. Nous avons alors annoncé à Serge qu’il pouvait organiser l’enterrement de Sarah avec une association et il a demandé d’être accompagné par la paroisse. Lorsqu’il s’est rendu à l’Institut médico-légal pour engager les démarches, il a alors demandé à voir le corps de Sarah et Ghislaine l’a accompagné. Elle a été très touchée de la délicatesse et l’humanité du personnel de l’institut médico-légal. Celui-ci a préparé Serge à voir un corps qui n’avait pas fait l’objet de soin de conservation et qui avait beaucoup changé. Elle a été très touchée par la souffrance de Serge qui a exprimé des mots d’amour à celle qu’il aimait tant. Spontanément, elle est venue poser sa main sur le bras de Serge en signe de compassion. Qu’est-ce qui l’a conduite à ce geste, alors qu’elle connaissait peu Serge et que toutes les formations pour les bénévoles auprès des gens de la rue invitent à éviter les attitudes ambigües ? Pour elle, c’est clair que c’est le fruit de la demande qu’elle avait adressé au Seigneur la veille : retrouver l’élan pour aller vers les sans-abris alors qu’une certaine lassitude s’était installée.

Avec la paroisse, nous avons accompagné Serge et ses amis dans l’organisation de l’enterrement, en essayant de marcher à son pas. Concrètement, cela veut dire le suivre quand il traverse la rue « comme un SDF » selon l’expression d’un de ses amis : hors des passages piétons et en se jetant au milieu du flot de circulation. Nous avons tenté de nous mettre à l’écoute de ce qui lui tenait à cœur pour ce jour. Nous pensions important que les amis de Sarah puissent se cotiser pour acheter des fleurs, Serge avait surtout besoin d’avoir des vêtements convenables. Cela a conduit à former une chaîne de solidarité. L’équipe d’accueil du Secours Catholique de la paroisse a été sollicitée et un des membres a pu lui trouver un change complet bien adapté. Un ami d’une des personnes qui dorment avec lui l’a invité pour lui permettre de se raser et de se coiffer. Nous avons été très touchées de la solidarité entre personnes de la rue, et de leur souci de faire une belle fête pour Sarah, mais aussi de leur manière attentionnée d’entourer Serge dans les moments où la douleur se faisait forte. Nous avons aussi été touchées lors de la préparation de la célébration à l’église d’entendre leur foi en la Résurrection s’exprimer avec des mots simples et profonds. Ils savaient exactement quels chants et quel passage de l’Evangile choisir. Nous avons enfin été touchées par le souci de Serge d’associer les enfants de Sarah à son enterrement, pour leur permettre de faire le deuil de leur maman. Du côté de la paroisse, chacun a cherché à ce que cet enterrement soit soigné.

Nous avons transmis nos coordonnées à l’institut médico-légal pour que les membres de la famille qui le souhaitent puissent participer à la préparation de l’enterrement. S’en est suivi une longue attente jusqu’à ce que, la veille de l’inhumation, les parents de Sarah nous contactent. Ils avaient appris le décès quelques jours avant et venaient d’apprendre qu’elle allait être inhumée le lendemain. Ils découvraient progressivement ce qu’avait été la vie de leur fille ces dernières années et étaient un peu perdus de l’apprendre à Paris, une ville qu’ils ne connaissaient pas. Ils avaient prévu de faire le voyage dans la nuit pour être sûrs d’être à l’heure pour la mise en bière. Ensemble, nous les avons reçus à la communauté à leur arrivée, un peu avant 7h du matin. Cela a été l’expérience d’un accueil à mains nues. N’ayant pas beaucoup d’éléments à leur apprendre de leur fille, nous ne pouvions que leur exprimer notre compassion dans le drame qu’ils étaient en train de vivre.

Une célébration a pu être organisée à la paroisse avec les membres de la famille présents, Serge et quelques-uns de ses amis, des membres d’associations qui ont accompagné Sarah ainsi que des paroissiens de tous âges qui étaient venus par solidarité. La célébration a été un moment fort pour tous. Nous nous sommes ensuite rendus à Thiais pour l’inhumation au carré des indigents, sobre et belle.

Le soir, comme c’était mercredi saint, nous avions prévu de vivre en communauté le lavement des pieds. Après avoir dit toute la journée à Serge et à la famille de Sarah que nous croyons en un Dieu qui permet la réconciliation au-delà de la mort, ce geste a pris une signification particulière. Il nous convoquait dès à présent à dépasser les petits égoïsmes qui nous dispersent pour vivre en réconciliées. En continuant de prier le lendemain le texte du lavement des pieds, il nous a semblé que c’était ce que nous pouvions offrir de plus beau à Serge. Avec l’accord du curé, nous lui avons donc proposé de participer à la célébration du soir. Il a accepté d’emblée, souhaitant venir avec des amis, parce que : « se faire laver les pieds par le curé, cela donne de la force ! ». Les paroissiens ont été très touchés de leur présence. Mais la célébration du jeudi saint n’avait pas la même tonalité que celle de l’enterrement : elle était plus fastueuse, l’animatrice de chant était enrouée… Un des amis de la rue est parti rapidement, excédé. Les autres sont restés et sont partis rapidement après le lavement des pieds. Marie a éprouvé de la honte que la liturgie ait fait partir les amis, mais aussi de sentir que c’était peut-être plus son idée que la leur de les inviter à cette célébration. N’était-ce pas une manière d’expérimenter ce qui s’est passé à Gethsémani, où Jésus s’est déjà trouvé avec des disciples incapables de communier réellement à ce qu’il était en train de vivre ? Marcher au pas de l’autre et du Seigneur demande une grande délicatesse…

Le samedi saint, alors que la foule finissait de rentrer dans l’église après le feu pascal, le meilleur ami de Serge passe dans la rue. Il avait pu se laver et se changer, et il était devenu beau comme un ressuscité. C’est l’occasion d’échanger quelques mots dans la nuit sur ce que l’on célèbre : Dieu est plus fort que tout, même  plus fort que la mort. Et cet ami donne un rendez-vous pour le lendemain matin. Et voilà qu’au matin du dimanche de Pâques Serge et son ami prennent le temps de remercier pour tout ce que la paroisse a fait pour eux à l’occasion du décès de Sarah. On se sent tout petit quand des hommes pris dans une urgence qui fait passer rapidement d’une chose à l’autre, expriment ainsi leur gratitude.

Depuis, la vie a repris. On continue de se croiser à l’occasion. Le lien est fort, même si on n’a pas toujours quelque chose à se dire et que d’autres soucis qui ne nous ont pas été partagés ont repris le dessus. Nous avons vécu ensemble quelque chose de fort, mais aussi d’éphémère comme la grâce, à saisir quand c’est donné mais sur lequel il n’est pas possible de mettre la main. Cela a aussi été un moment fort pour la paroisse, rejoignant l’expérience de chacun avec les plus pauvres, et encourageant à continuer d’aller vers eux. Cela a aussi ouvert la prière de la communauté paroissiale à nos amis de la rue, permettant qu’elle soit maintenant identifiée comme une communauté qui prie pour eux et à leurs intentions.

Cet événement a habité la prière de notre communauté et chacune l’a porté à sa manière. Il nous a fait expérimenter la force de l’envoi en mission, reçu ensemble : « nous tenir dans ce quartier, auprès des personnes en précarité ». Nous ne sommes ni des professionnelles du social, ni des spécialistes de l’accompagnement de la foi des personnes en précarité. Sans cet envoi, nous n’aurions sans doute jamais rencontré Serge et Sarah… Allons à leur rencontre[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]

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