
Depuis près de 8 ans, notre communauté située dans les fameux « quartier Nord » de Marseille a rejoint l’association JRS welcome ; en devenant « famille hébergeante », nous participons avec d’autres, à l’accueil de demandeurs d’asile. Nous leur offrons un toit, une réponse matérielle aux besoins primaires : un toit, la nourriture, de l’hygiène, voire de l’habillement… un séjour d’environ un mois ; temps de répit, de soulagement, d’oxygène, dans leur parcours de galère qui, souvent, a commencé très tôt. Nous avons la chance d’avoir un petit appartement indépendant à côté du bâtiment communautaire. Cf photo
Amine, Sati, Mamadou, Nour, Rachid, Aicha, Abdou, Boubacar……. ont entre 20 et 30 ans, ils viennent de Syrie, d’Afghanistan, du Pakistan, de Guinée, du Sénégal. La majorité d’entre eux sont des jeunes hommes. Ils ont quitté seul ou en famille leur pays, leur village ou leur ville, leurs relations, laissé leur manière de vivre pour aborder et traverser l’inconnu. Ce départ, les raisons qui l’ont fondé, certains l’évoquent, par touches teintées de pudeur, d’autres nous le livrent avec des mots simples mais gonflés de souffrance, laissant apparaître les dangers rencontrés, les trahisons, mais aussi les solidarités qui les ont fait arriver en France, par le Nord ou le Sud et finalement à Marseille…
Nous ne posons pas de questions ; nous entrevoyons un évènement de leur parcours, au cours d’un repas par exemple ou bien lors d’exercices d’apprentissage du français qu’Amine s’ouvre à l’une de nous ou bien encore quand Hasan vient spontanément participer au nettoyage du pourtour des rosiers rejoignant l’une de nous travaillant au jardin, la proximité, les mêmes gestes nécessitant le même effort physique ouvre l’espace pour une parole longtemps enfouie.
C’est une règle d’or que nous respectons : nous ne posons pas de questions sur leur parcours, leur histoire ; celles-ci pourront être formulées lorsque un regard, un sourire, une aide spontanée à la vaisselle, le partage d’une vidéo du pays, ou la proposition de nous préparer un plat de leur pays, laisse entendre que le temps d’apprivoisement donne naissance à une relation, et ce partage en est le signe. Nous ne forçons rien, nous laissons venir en offrant notre disponibilité, de temps, d’écoute, de conversation, de services (repas, lessive, repassage), chacune à sa manière et selon ses possibilités. Une discrétion habillée de tranquillité, de patience, traversée d’éclats de rire lorsque la communication s’enlise parce que nos oreilles ne réagissent pas aux mot-sons… heureusement le téléphone est là (ils ont tous un téléphone avec des applications permettant la traduction en français) et la lecture sur l’écran permet à notre intelligence et notre cœur de comprendre enfin ce qui cherchait à se dire. Laisser venir. Ne jamais vouloir que l’accueilli nous en dise plus ; entendre ce qu’il nous livre à ce moment-là et se tenir là nous aussi près de lui, dans son instant, son présent.[/vc_column_text][/vc_column][vc_column column_padding= »padding-2-percent » column_padding_position= »all » background_color_opacity= »1″ background_hover_color_opacity= »1″ column_link_target= »_self » column_shadow= »none » column_border_radius= »5px » width= »1/2″ tablet_width_inherit= »default » tablet_text_alignment= »default » phone_text_alignment= »default » column_border_width= »none »][vc_column_text]JRS Paca, au cours de cette année, a modifié sa modalité d’accueil : aujourd’hui il est possible qu’un accueilli à JRS revienne dans la famille hébergeante qu’il connait. C’est lors d’une relecture autour de l’accueil que, Mamadou a déclaré : « vous dites que vous nous accueillez, mais c’est pas vrai ; c’est nous qui vous accueillons chaque fois que nous changeons de famille. » La pertinence de la réalité a assoupli une des règles de JRS. À l’accueillant de rester vigilant dans sa relation avec l’accueilli en vue de favoriser l’émergence et le déploiement de sa liberté, se libérer du statut d’assisté, du sentiment d’être en dette. Notre joie c’est de retrouver Rachid le regard brillant, l’attitude corporel déployée, et… un usage du français qui suscite immédiatement notre admiration et nos félicitations. Une des premières sœurs qui a commencé l’accueil à la communauté disait souvent, « ils sont grands. » Oui ils sont grands ! « Leurs fragilités », c’est souvent ainsi que nous parlons, ne viennent-elles pas d’abord de notre aveuglement politique qui obstrue la richesse de leur jeunesse, la force de leur désir de vivre comme personne ayant leur place au milieu de nous ?
Cette présence-accueil et cette présence d’écoute est exigeante, difficile car nous avançons vers l’autre avec nos coutumes, nos habitudes nos « ça va de soi », nos images du « bon accueil ». Nous voulons tellement bien faire ! La première leçon que j’ai reçue est d’une banalité rigolote mais combien symbolique et enseignante. En tant que « famille hébergeante » nous proposons au jeune de laver son linge. Un jour, Hassan nous apporte la couverture de son lit ; je la trouve bien sale ! Grand est mon étonnement. J’allais l’interroger lorsque le souvenir d’un documentaire sur l’Afghanistan vu sur Arte m’a imposé l’image d’un afghan endormi, enroulé dans une couverture. « Dans ton pays, tu dormais dans une couverture ? » lui ai-je demandé. Le soir, couverture sur le bras, je suis allée le voir chez lui. « Nous sommes allés dans la chambre ; puis je lui ai expliqué notre manière de dormir en France. « Et maintenant, toi comment vas-tu dormir ce soir » ? Me montrant le drap il me dit : « comme çà ». Cela m’a rappelé un hymne que nous chantons à l’Epiphanie : « Que feras tu de cet argent, de ces bijoux, de notre encens, nous les avions pris en pensant à nos manières… » Comme c’est vrai !
Grande leçon pour moi ! Elle m’a conduite, surtout lors d’un premier accueil, à prendre le temps d’expliquer nos coutumes françaises et si la langue le permet de visiter ensemble leurs propres coutumes.
Une école de la rencontre, voilà peut-être ce qui pourrait « parler », faire sens, dans cette aventure d’accueil. Jour après jour, accepter d’être en apprentissage d’humanité, de reconnaissance de notre identité commune, tous des vivants, appelés à la Vie. Avec chaleur et simplicité, ouverture et soutien, être pleinement simplement là ensemble dans ce temps de passage chez nous, en apprentissage du donner et du recevoir, de l’écoute et de la parole, en apprentissage de fraternité. Nicole Faurite
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