
Ce qui m’a mis en route ?
C’était en 2002, j’étais président diocésain du CCFD. J’étais un ingénieur déjà confirmé, et j’avais une bonne confiance dans la capacité de la technique à offrir à tous un monde meilleur. Un des participants m’a expliqué que notre développement n’est pas généralisable. En 2002, on disait déjà que les ressources de la planète ne permettaient pas de généraliser notre mode de vie.
J’étais déjà révolté par la façon dont les pays du Nord exploitaient les pays du Sud sans y voir le moindre problème. Le général de Gaulle avait institué la Françafrique sans aucun scrupule, pour garantir à notre Pays l’accès aux ressources dont nous aurions besoin. Un système de corruption à grande échelle.
En 2006 est sorti le film Une vérité qui dérange, de Al Gore, vice-président des Etats-Unis au temps de Bill Clinton (de 1993 à 2001). Ce film démontrait de manière éclatante le lien entre la teneur en CO2 dans l’atmosphère et la température sur la terre. J’étais convaincu que cela allait changer le monde. Que nous allions vivre la fin de la croissance… Mais non, rien… rien n’a changé. J’ai alors compris que même si quelqu’un de très crédible explique avec des moyens énormes (un film de 2 heures), très bien documenté et très pédagogique, montrant l’impact du CO2 sur le réchauffement climatique, rien de concret se passe.
En 2010 le film Solutions locales pour un désordre Global, de Coline Serreau montrait comment, sans chercher à sauver le monde, de très nombreux acteurs étaient en marche pour mettre en œuvre des solutions d’agroécologie, en rupture avec le monde agricole traditionnel. C’était un vrai bol d’air, un immense espoir de voir le monde changer… Mais il fallait encore attendre.
Quelque temps après, le film Sacrée croissance, de Marie-Monique ROBIN, en 2014. Elle y démontre l’absurdité de cette croissance indéfinie dans un monde fini. Elle montre aussi beaucoup d’acteurs essayant des modèles de vie différents.
Puis le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent en 2015. Ce film a fait beaucoup de bruit, …mais n’a rien changé aux émissions de CO2.
L’encyclique Laudato Si du pape François, aussi en 2015 a été universellement saluée comme une contribution magistrale à l’engagement des peuples… Cela a été, pour moi comme pour beaucoup un vrai soulagement que notre pape exhorte l’humanité à regarder autrement notre relation avec le milieu vivant. Ce texte a donné un réel souffle, a permis de montrer que l’Eglise n’est pas forcément d’accord avec le modèle dominant, qui est, lui, complètement orienté vers l’augmentation des profits, de la richesse, mais sans prendre en compte la consommation de notre capital des richesses naturelles.
« Tout est lié » : ce message montrant que les causes du réchauffement climatique, les causes de la destruction de la biodiversité, sont les mêmes que les causes de la pauvreté, du maintien de la pauvreté dans notre monde. Il y a là un immense chantier pour transformer nos façons de voir, écouter, prendre soin de la vie, pas simplement de la vie humaine mais de tout le vivant.
Ce que cela a changé dans ma vie quotidienne :
Cette prise de conscience m’a amené à chercher à diminuer mes émissions de CO2 en ce qui concernait mes usages personnels, par exemple :
- En 2004, quand j’ai pris un travail à Brassac-les-Mines, au bout de quelques mois, je ne supportais plus de faire 100 km par jour en voiture. J’ai décidé d’y aller en utilisant le train + vélo. Je suis donc passé de 45 minutes de transport (en voiture) à 1H30 dans chaque sens. Cela faisait beaucoup, mais cela m’a ouvert des espaces de liberté, du temps pour lire, ou pour travailler dans le train. Je faisais sans m’en rendre compte 16 km de vélo chaque jour, soit 85 km chaque semaine. Cela a éliminé un mal de dos chronique qui s’installait peu à peu. Je veux dire par là que les bienfaits de ce temps perdu étaient supérieurs à l’impression de perte de temps.
- Nous avons amélioré l’isolation de notre maison (changement des fenêtres) et remplacement de la chaudière à fioul par une chaudière à gaz à condensation. Il reste encore à faire, mais déjà les dépenses de chauffage sont plutôt moins élevées que pour les maisons analogues.
- Ensuite, salarié de Bureau Veritas, j’ai refusé la voiture de fonction qu’on m’offrait, et j’ai demandé de la remplacer par une carte d’abonnement SNCF France entière. Là aussi, les temps plus longs des voyages en transports en commun n’ont pas été vécus comme des temps perdus, mais plutôt comme des temps libérés pour dormir, lire, travailler, …
- Je continue de préférer les transports en commun le plus possible. J’ai même acheté un vélo pliant pour pouvoir faire les derniers kilomètres, même quand je voyage en bus.
- Nous mangeons beaucoup moins de viande rouge, et nous découvrons les richesses de la cuisine moins carnée.
- Une année, nous sommes partis en vacances avec seulement un plein de réservoir pour un mois de vacances, et nous avons campé et fait du vélo en Ardèche et en Haute-Loire. Nous avons passé d’excellentes vacances
- Tous les jours, tout le temps, je me dis que chaque litre de pétrole économisé pourra être utilisé par les générations suivantes, et cela oriente mes actions.
Comment avancer plus vite, ensemble ?
Aujourd’hui, tout le monde sait que les ressources de la terre sont constituées de minières et les ressources fossiles ont été mises sous la croûte terrestre il y a des millions d’années. Ces ressources sont là, et ne se renouvelleront pas. Elles sont à disposition de tous, et seulement une fois. Par exemple, le pétrole que nous avons consommé n’est plus disponible pour les générations futures. L’humanité devrait s’organiser pour en faire une utilisation raisonnable, en prévoyant d’en laisser pour les générations suivantes. Mais non, au lieu de cela, nous organisons la course à la croissance, la course à la consommation sans frein…
Nous sommes 7 ans après Laudato Si, et nous ne voyons pas d’inflexion significative de la courbe d’émission de CO2.
Certes, le réchauffement climatique a été ressenti fortement cet été, et de plus en plus de personnes sont convaincues qu’il faut changer quelque chose, mais les mécanismes économiques n’intègrent aucunement aujourd’hui une prise en compte des limites à la consommation.
J’ai beaucoup passé de temps sur internet, en essayant de comprendre les enjeux, les ordres de grandeurs. Jean-Marc Jancovici, Pablo Servigne, Gaël Giraud…
Jean-Marc Jancovici nous dit que pour tenir les engagements de la COP 21, il faudrait baisser de 5% nos émissions de CO2 chaque année. C’est à peu près ce que nous avons fait en 2020, alors que l’économie a été impactée par les confinements. Il nous faudrait donc l’équivalent d’un Covid de plus chaque année…. C’est-à-dire : 1 covid en 2020, 2 covid en 2021, 3 covid en 2022, 4 covid en 2023 » …. Cela nous parait impossible… et pourtant, nous le ferons de gré ou de force, car, si nous ne le faisons pas pour diminuer le réchauffement climatique, nous le ferons car les ressources s’épuiseront. Il est donc préférable de le faire assez vite, sinon le réchauffement climatique aura tellement mis à mal l’agriculture que nous n’aurons plus assez de ressources agricoles pour nourrir l’humanité.
Gaël Giraud explique comment tout le système financier est drogué par la croissance. Il parle avec les grands financiers de ce monde. Les banquiers lui disent que la baisse de 5% par an serait possible, mais pour cela il faudrait une économie de guerre. Et c’est bien de quoi il s’agit maintenant.[/vc_column_text][/vc_column][vc_column column_padding= »padding-2-percent » column_padding_position= »all » background_color_opacity= »1″ background_hover_color_opacity= »1″ column_link_target= »_self » column_shadow= »none » column_border_radius= »3px » width= »1/2″ tablet_width_inherit= »default » tablet_text_alignment= »default » phone_text_alignment= »default » column_border_width= »none »][vc_column_text]
Comment pourrait-on impliquer tout le monde ?
Je me demandais comment faire, jusqu’au jour où je suis tombé sur un podcast sur Europe1 qui avait pour titre : « Écologie : la Suède invente une carte bleue qui se bloque lorsque l’on dépasse son quota de CO2 »
Vous pouvez l’écouter en allant sur le lien
Voici le texte de ce podcast, ci-dessous :
Chaque matin, Axel de Tarlé décrypte l’une des actualités économiques marquantes du jour.
Il y a un pays en Europe qui est à la pointe en matière d’écologie, c’est la Suède où est lancée une nouvelle carte de crédit, un peu particulière.
C’est une Carte de Crédit qui indique les émissions de C02 pour chacun de nos achats. Si vous achetez un pantalon fabriqué en Chine, on vous indique « 20 kilos de C02 dans l’atmosphère ».
C’est MasterCard qui lance cette carte de crédit en Suède en partenariat avec une start-up qui est justement capable de mesurer les émissions de C02 pour chaque produit.
Il y a deux versions de cette Carte de Crédit :
L’une qui indique simplement les rejets de C02, ce qui est déjà une révolution. Aujourd’hui, on connait le prix des choses, bientôt on connaitra leur empreinte carbone.
L’autre version de cette carte de crédit est plus autoritaire puisqu’elle se bloque quand vous avez dépassé un certain quota de C02. Vous recevez un message du type « achat refusé, quota de C02 atteint ».
Il faut savoir qu’un Français rejette en moyenne 12 tonnes de C02 par an, c’est beaucoup trop.
Pour être neutre du point de vue du carbone, il ne faudrait pas dépasser les deux tonnes de C02, soit six fois moins.
Dans la vie de tous les jours, il faut surveiller son bilan carbone et procéder à des arbitrages.
Un Paris-Lyon en Voiture c’est 100 kilo de C02. En TGV, c’est un kilo de C02.
De même, un filet de dinde, c’est trois fois moins de C02 dans l’atmosphère qu’un filet de bœuf.
C’est un gadget cette carte de crédit-C02 ou est-ce que ça pourrait changer radicalement notre vie quotidienne ?
Tout ce qui vient de Suède en matière d’écologie s’impose très vite.
Dans l’aérien, tout le mouvement contre l’avion est venu de Suède et on parle désormais de taxer le kérosène au niveau européen ou d’interdire des lignes intérieures.
Ce serait un changement radical cette carte de Crédit C02.
Aujourd’hui, le réchauffement climatique c’est l’affaire des gouvernements, des grandes entreprises, de Total ou de la COP 21. Subitement, ça devient notre affaire de façon très concrète et individuelle.
Vers une limite, un quota de CO2 par personne
Je crois très sincèrement qu’il y a ici une idée à creuser : que chaque homme, qu’il vive au Groenland, en Ethiopie, à New-York ou à Carcassonne, soit bloqué à un niveau d’émission de CO2 compatible avec la poursuite de la vie sur terre. Au-delà de ce niveau, il faut acheter des produits à émission de CO2 négative, c’est-à-dire payer des entreprises qui revitalisent les déserts, qui régénèrent la biodiversité…
Par exemple, écoutez Allan Savory qui explique comment on peut revitaliser les déserts (https://www.ted.com/talks/allan_savory_how_to_fight_desertification_and_reverse_climate_change),
Ce qui me plaît, dans ce projet, c’est que cette limite s’appliquerait à tout humain sur la terre, qu’il soit riche, qu’il soit pauvre… Cela ne devrait pas tellement impacter les personnes vivant avec un bas revenu, mais cela contraindrait les personnes qui veulent et qui peuvent dépenser beaucoup à financer les actions de revitalisation des déserts, la remise en valeur des zones abîmées, … enfin on ferait financer la remise en forme de notre terre par les gens qui ont contribué à la détériorer.
L’idée est que les émissions de CO2 nécessaires pour n’importe quel produit soit connu et affiché, et qu’il vienne en déduction du quota alloué à chacun. Ainsi, le contenu CO2 de chaque produit devient une donnée que les entreprises doivent chercher à diminuer. Le coût continuerait d’être important, mais un contenu CO2 bas devient un argument de vente, au même titre qu’un prix bas.
On pourrait alors avoir le choix entre un produit pas cher, mais avec une empreinte CO2 élevée, et un autre produit plus cher, mais avec une empreinte CO2 plus basse. Les communautés urbaines seraient aussi amenées à affecter à leurs administrés des émissions de CO2 nécessaires au chauffage des écoles, des hôpitaux, mairies, aux réseaux routiers transports urbains, … Cela orienterait forcément les choix des dépenses à faire.
Certains pays sont neutres aujourd’hui
Le Bouthan se dit aujourd’hui neutre en carbone et même négatif. Il faut dire que ce pays n’a pas le même niveau de vie que le nôtre, mais il a pris en compte des indicateurs qui ne sont pas les mêmes que les nôtres.
Le Costa Rica est très proche de la neutralité.
Il n’y a pas de fatalité. Nous devons, nous pouvons infléchir les courbes d’émissions de CO2.
Ce qui est intéressant, c’est que le bonheur n’est pas lié à la consommation maximale.
En conclusion :
Nous avons la chance de vivre dans un pays où nous avons accès à l’information, nous avons la liberté d’expression, nous pouvons communiquer sans limite. Tous les rapports sont disponibles, les idées ne manquent pas. Il est essentiel que chacun se construise une opinion, qu’il la dise, qu’il essaie de la mettre en œuvre.
La question est tellement importante qu’il est essentiel que chacun se documente, réfléchisse, exprime ses pensées, participe à des actions pour exprimer le souhait de bâtir un nouveau système économique, prenant en compte les limites de consommation. Il faut laisser aux générations futures la possibilité de mener les actions qui seront nécessaires.
Emmanuel Bommier
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